mercredi 19 août 2015

Tartarin : version inédite !

Au tout début du travail sur le roman d’Alphonse Daudet, nous avions eu l’idée, Isabelle Merlet et moi-même, de partir sur une adaptation assez libre, qui ne soit pas qu’une « simple version » en bande dessinée du texte original.
L’univers de Tartarin étant quasi exclusivement masculin, nous avions créé le personnage d’une jeune journaliste, décidée à rédiger une biographie du héros provençal.
Le scénario commençait ainsi...

Tarascon, le 17 décembre 1898
Il y a un an, jour pour jour, mourait Tartarin. Aujourd’hui, une vaste foule est réunie sur la place du château pour l’inauguration officielle de la statue qui lui est dédiée. 
Une statue réalisée par Auguste Rodin. Le sculpteur est lui-même venu spécialement de Paris, et écoute le vibrant hommage rendu par le maire de Tarascon au héros disparu.
Dans la foule, Andrée Violine, jeune journaliste envoyée par le quotidien marseillais « Le Sémaphore » pour couvrir l’évènement.
Le maire remémore le passé de Tartarin, sont titre de roi de la chasse à la casquette, son inoubliable interprétation du duo de « Robert le diable », et surtout ce voyage en Algérie, au pays des lions, qui lui valut la gloire dans toute la Provence. 
Puis c’est à Bravida, l’ami fidèle, de dévoiler la monumentale statue, sous les applaudissements de la foule ébahie.
D’autres journalistes sont présents, principalement venus de Paris, et plus intéressés par l’œuvre de Rodin que par le chasseur tarasconnais. S’ils encensent le maître, Andrée, elle, est plus impertinente.
Après les présentations d’usage, un collègue parisien de l’Illustration la taquine au sujet de Tartarin :
— Est-ce vrai, ce que l’on raconte, qu’en fait de héros, ce Tartarin n’était qu’un pauvre benêt chanceux ?
— Est-ce vrai, ce que l’on raconte, rétorque Andrée, que Rodin aurait détourné une œuvre de sa petite protégée pour créer cette statue ?
—... Mais... demandez-lui donc, puisqu’il est là !
À la fin du discours, ne se démontant pas, et sous les yeux incrédules de ses confrères parisiens, Andrée aborde Rodin : 
— Monsieur Rodin, Andrée Violine, du « Sémaphore ». À ce que l’on raconte, vous vous seriez largement inspiré d’une sculpture de Camille Claudel pour réaliser cet hommage à Tartarin. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Tous les officiels sont bouche bée. Rodin la dévisage froidement. Andrée tient son regard.
Alors, Rodin part d’un grand rire, lui tendant sa carte et l’observant de pied en cap :
— Ha ! Ha ! Ha ! Venez donc me voir un jour prochain à mon atelier, mademoiselle, je vous montrerai mes recherches. J’aurai grand plaisir à vous revoir et, qui sait, vous pourriez même poser pour moi... car je vous devine de jolis arguments !
Les rires fusent autour d’eux. Le rouge aux joues, Andrée s’éloigne... 

Malheureusement, la collection Ex-libris de chez Delcourt, notre éditeur, n’accueillant que des adaptations littérales, nous avons dû renoncer à ce projet.

Voici cependant deux documents issus de ce début d’aventure.
D’abord, réalisée par Isabelle, une recherche graphique pour le personnage d’Andrée Violine.
Et puis, le faux Rodin, que je m’étais amusé à élaborer en piochant dans l’œuvre du génial sculpteur.